Indicateur de pauvreté et budgets minima : une avancée pour une définition absolue du phénomène ?
Introduction
Sous une terminologie non encore définitivement fixée à ce jour – budgets standards, budgets standardisés, références budgétaires ou encore exemples budgétaires – on trouve des descriptions de budgets (revenus et dépenses) de ménages adaptées à leur composition familiale – prise en compte de la composition (nombre d'adultes et d'enfants ou du niveau de bien-être envisagé (minimum, intermédiaire ou élevé). Ces budgets de référence, ainsi que nous les désignerons dans la suite de cette peuvent servir à de nombreuses applications, dont les principales sont brièvement exposées ci-après.
Quand ils sont développés pour établir un standard minimum de vie (seuil de dignité/seuil de pauvreté), ils prennent la forme d’une liste précise de biens et services qui doivent être accessibles au ménage considéré, sous peine d'avoir un niveau de vie inférieur à ce seuil. Cette liste est adaptée au nombre de personnes qui composent le ménage, à leur sexe et à leur âge. À la différence des autres applications possibles, cette référence « minimale » est élaborée sans tenir compte des revenus disponibles. On ne cherche pas à établir un budget équilibré en fonction des revenus disponibles, comme cela se fait pour d'autres applications. Ici, il s'agit bien de définir le panier auquel tout ménage devrait pouvoir accéder sous peine d'être tenu pour « pauvre » dans le pays considéré.
En revanche, quand les budgets de références sont utilisés à des fins éducatives (gestion/guidance budgétaire) ou curatives (médiation de dettes amiable ou judiciaire), les méthodologies d'élaboration pourront être plus variées, pas forcément basées sur la définition précise d'un panier de biens. Des moyennes statistiques pourront être utilisées, par exemple. En revanche, c'est la notion d'équilibre budgétaire qui devient essentielle ici. Nous consacrerons une seconde analyse à cette famille de références budgétaires.
Pour mémoire, citons encore comme applications possibles des budgets de référence : leur usage dans l'estimation des capacités de remboursement dans le cadre de l'octroi responsable de crédit, leur usage par les autorités publiques pour identifier les profils de ménages les plus « déprivés » et prendre des mesures adaptées et ciblées. Ils sont également utiles pour réaliser des simulations et vérifier les impacts budgétaires que des mesures publiques/fiscales auront sur le pouvoir d'achat des différents profils de ménage.
Avant de passer à la présentation concrète de telles références minimales, il est important de signaler qu'en aucun cas cette approche n'est en soi une manière de définir « scientifiquement » ce qu'est la pauvreté. Cette notion contiendra toujours une part de subjectivité qu'il n'est pas question ici de remettre en cause. Cependant, l'approche utilisée et la méthodologie employée permettent une grande transparence et une grande flexibilité (il est aisé d'ajouter ou de retirer des éléments du panier), et, dès lors, elles ouvrent la porte à des débats qui peuvent aboutir à un consensus social. Car c'est bien de cela qu’il est question : la définition d'une norme sociale (ici, un pouvoir d'achat minimum) en deçà de laquelle on considère qu'un citoyen est pauvre.
La transparence et la précision sont donc les principales qualités d'une telle approche, revient ensuite à la qualité et à la maturité des parties prenantes la responsabilité d'atteindre ou pas un consensus quant à un panier minimum. Comme tout instrument, il convient donc de le construire avec art et de le manier avec un peu de dextérité.
Standard minimum, pauvreté, dignité humaine... de quoi parle-t-on ?
Pour construire une référence budgétaire pour un niveau de vie minimum en Belgique, il est donc nécessaire d'élaborer un « panier de biens et services » qui illustre ce qu'il est nécessaire de pouvoir acquérir pour échapper à la pauvreté. Cela se traduit donc in fine par un pouvoir d'achat, une fois que ce panier est estimé aux prix courants. Il est important de se rappeler que ce panier ne correspond toutefois pas à ce que les personnes doivent acheter, mais à ce à quoi, à un moment donné, on considère que toute personne ou tout ménage doit pouvoir accéder pour échapper à la pauvreté.
Ces questions lèvent déjà un premier voile sur l'importance que revêt, dans cette approche, l'élaboration d'une définition commune de la pauvreté ou de la dignité humaine, si l'on souhaite aboutir à un consensus. Vivre dignement, c'est évidemment pouvoir satisfaire ses besoins essentiels, mais n'est-ce pas aussi pouvoir vivre de façon autonome, pouvoir prendre part de façon responsable à la vie en société ?... Une abondante littérature traite toutefois ces questions et ce sont, en général, des chercheurs/experts qui, en lançant les premières bases de telles références minimales, proposent la définition sur laquelle ils vont se reposer1. D'autres approches existent, que l'on trouvera plus souvent mises en oeuvre dans les pays anglo-saxons (Royaume-Uni2, Irlande3), qui partent, au contraire, d'une construction du panier minimum au travers de groupes de personnes qui vivent la pauvreté. Cette approche pragmatique, plutôt que théorique, répond de facto à ce type de questions, mais de manière implicite.
Principes d'élaboration
Pour construire un tel panier, il faut idéalement lister l'ensemble des biens et services qui doivent pouvoir être accessibles à chaque ménage (en fonction de sa composition) afin de pouvoir échapper à la pauvreté.
Pour ce faire, les dépenses sont classées par catégories, dont voici une nomenclature possible, basée sur les modes de paiement. Il existe d'autres catégories possibles, basées sur les données de l'ancienne INS4, sur le rythme des dépenses... Il n'existe pas en tant que telle de solution « idéale ».
Revenu
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Dépenses
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Pour chacune des catégories de dépenses citées, il faut ensuite détailler le panier de biens qui les composera... Puisque le format d'une analyse ne nous permet pas de passer l'ensemble des postes budgétaire en revue, nous avons choisi d'en présenter quelques-uns qui nous permettront de souligner la dimension subjective que cette approche maintient, mais aussi, on l'espère, de souligner les bienfaits qu'une transparence complète par rapport à ces éléments peut apporter sur le chemin d'un consensus social.
Quels articles ?
Pour l'alimentation, plusieurs pistes sont possibles : on peut partir de la liste des produits alimentaires utilisée dans l'enquête sur le budget des ménages, où on compte plus de 330 produits différents. Mais, parmi ceux-ci, lesquels doivent se retrouver dans le panier minimum ? Des choix doivent-ils être opérés ? Sur quelle base ? On peut également partir des prescriptions en matière d'alimentation réalisées par des diététiciens/nutritionnistes. On peut encore décider de partir des habitudes alimentaires nationales, pour autant qu'elles soient connues par enquête, ou encore des paniers tels que ceux que des personnes en précarité cherchent à obtenir.
Pour les assurances : prendra-t-on seulement en compte les assurances rendues obligatoires par la loi ? Considérera-t-on aussi celles qui protègent des risques du surendettement (hospitalisation, crédits...) ?
Pour le mobilier, quels seront les éléments minimums d'un aménagement décent ? Se référera-t-on aux dépenses moyennes observées par l'INS ? Ou plutôt à un panier déterminé par des experts ou par des personnes pauvres ?
Pour les (télé)communications : si une ligne fixe ou un GSM pour le ménage ne devrait pas soulever de questions, qu'en est-il de la place de l'Internet ? Cette question est cruciale quand on sait quelles économies cela peut permettre en termes de télécommunications, quand on sait l'utilité d'un tel outil pour l'éducation, les loisirs, la recherche d'emploi...
Pour les soins de santé : ce poste est un des plus délicats à aborder dans une telle approche, puisque l'accès à la santé fait partie des besoins essentiels et que la santé en tant que telle n'est pas un bien de consommation que l'on doit apprendre à consommer adéquatement. En revanche, l'accès aux soins de santé et à la prévention de la santé peut être coûteux pour le particulier – produits et prestations hors prescription et remboursement (aspirine... mais aussi lunettes, dentisterie, le minimum à facturer...). Ce problème n'existe pas dans les pays où l'accès gratuit est garanti à tous.
Quelles quantités ?
Pour l'alimentation, on peut notamment partir d'une grille élaborée par des diététiciens, qui prennent en compte l'âge et le sexe des membres de la famille pour établir des menus, ou encore partir des données collectées sur les habitudes alimentaires. Certains ont choisi une formule hybride (menus constitués sur la base des habitudes nationales, mais adaptés aux quantités recommandées par les diététiciens), après avoir constaté qu'en général les gens mangent de trop grosses portions.
Pour les assurances : ici, la question est directement liée à la structure du ménage et de son patrimoine.
Pour le mobilier : sur ce type de poste (mais aussi pour l'énergie, le loyer...), des économies d'échelle existent. S'il faut un lit pour chaque enfant, une grande table à manger et une TV suffisent pour le ménage.
Pour les (télé)communications : si l'Internet est sans doute devenu indispensable dans les familles où des enfants sont en âge de scolarité, ou quand un adulte est en recherche d'emploi, la question portera aussi sur les GSM et sur leur nombre. Quant au GSM : qui y accède dans la famille ? À partir de quel âge ? Quel budget prévoir par adulte et par enfant ? Ici plus qu'ailleurs, les débats peuvent aller bon train, mais on n'oubliera pas, au final, que c'est le coût total du panier ainsi défini qui a de l'importance, plutôt que le montant spécifique de chaque poste. Chaque poste individuel ne représente en effet qu'une dépense «potentielle ».
Pour les soins de santé : hormis la présence de maladie chronique, il restera toujours très difficile d'anticiper un tel poste de dépenses... et, donc, d'éviter qu'un panier minimum ne sous-estime de nombreuses situations particulières dans lesquelles le coût des soins de santé est plus élevé (ou devrait l'être pour que les membres du ménage soient adéquatement soignés).
Quelle qualité ?
Pour l'alimentation : parmi les nombreuses options possibles, on peut citer : choisir exclusivement les produits les meilleurs marchés, prendre comme référence une qualité moyenne, prendre comme référence les habitudes d'achat moyennes ou celles des populations précaires, si elles sont connues par enquête ou par consultation de « focus groupes », sur la base des prix pratiqués dans les lieux d'achats privilégiés par les personnes précaires...
Pour les assurances : ici, la question pourra se traiter sur la base de la recherche du meilleur rapport qualité-prix, ou du contrat le moins coûteux... ou de l'assurance la plus adaptée à la situation familiale et patrimoniale.
Pour le mobilier : on prendra en considération, soit les données statistiques disponibles, soit les catalogues de magasins spécialisés, en donnant la préférence, soit au meilleur marché, soit à une qualité considérée comme moyenne, soit encore aux choix que posent en général les personnes en état de précarité, pour autant que l'on dispose de l'information (organisation de « focus groupes », partenariat avec des associations représentant des personnes pauvres).
Pour les (télé)communications : comme pour les assurances, la question du meilleur rapport qualité-prix est sans doute la plus pertinente.
Pour les soins de santé : cette question reste encore relativement abstraite en Belgique, même si elle fait sens dans d'autres pays d'Europe. Le problème principal en Belgique reste l'accès aux soins plutôt que la qualité de ceux-ci.
Quelle durée de vie ?
Question souvent liée à celle de la qualité, pour l'ensemble des biens dont la durée de vie dépasse le mois, il est important d'en établir la durée de vie présumée afin de pouvoir transformer le coût d'achat en « provision » mensuelle. Si l’on considère qu'un lave-linge dure six ans dans une famille de quatre personnes, compte tenu de la marque/qualité choisie, on divisera son prix d'achat par 72 pour en connaître la « charge mensuelle ».
Il en ira de même pour les chaussures, les vêtements...
Un bel outil pour un usage responsable
Si nous avons souhaité présenter cette méthode de mesure absolue de la pauvreté, c'est que nous souhaitions tour à tour souligner :
- sa richesse et sa complexité méthodologique, qui n'éliminent toutefois pas la subjectivité de sa construction et la multitude des approches possibles
- sa grande transparence indispensable, sous peine de ne jamais permettre d'atteindre un consensus ;
- la nécessité, compte tenu de son mode d'élaboration, de sa mise à jour régulière (une fois par an, pour la mise à jour des prix, et une fois tous les 5 ans au moins, pour ce qui concerne le contenu du panier) ;
- son utilité pour vérifier la validité des mesures relatives de la pauvreté, et nous pensons, en particulier, au seuil de 60 % du revenu médian, qui est aujourd'hui l'indicateur de pauvreté le plus utilisé en Europe ;
- son utilité pour vérifier la pertinence des tables d'équivalence utilisées pour simuler les diverses constellations de ménages (1er adulte = 1 ; 2ème adulte ou enfant de plus de 14 ans = 0,5 ; et enfant de moins de 14 ans = 0,3), quand on travaille sur la base des unités de consommation modifiées.
À ce jour, en Belgique, une recherche sur cette matière est mise en oeuvre par une équipe supervisée par le professeur Karel Van den Bosch (Centrum voor Social Beleid – Université d'Anvers) et financée par la politique scientifique belge, tandis que le Réseau Financement Alternatif participe à un projet européen d'apprentissage mutuel relatif à l'élaboration de budgets standardisés. La comparaison des approches, des méthodes et des contextes nationaux est primordiale à ce stade pour une compréhension complète de cette méthode et des différences marquantes qui peuvent subsister d'un pays à l'autre. Cette présentation et les réflexions qu'elles suscitent sont issues de la confrontation des diverses approches étudiées dans le cadre de ces deux projets.
Repères bibliographiques
- Budget Handboeck, kerncijfers huishoudfinanciën, NIBUD, 2007-2.
- Beyond the breadline, a poverty threshold based on a generalised budget approach, The Netherlands Institute for Social research SCP, February 2008.
- Standard Budgets and Household Economy, report from a seminar on Nordic models for household budgeting in St Petersburg, 14-16 October 2001.
- Minimum Essential Budgets for six households, The Vincentian Partnership for Social Justice, 2006.
- A minimum income standard for Britain, What people think, Jonathan Bradshaw, Sue Middleton, Abigail Davis, Nina Oldfield, Noël Smith, Linda Cusworth and Julie Williams, Joseph Rowntree Foundation, Loughborough University, 2008.
Olivier Jérusalmy, octobre 2008.
1 Doyal, L., & Gough, I. (1984). A theory of human needs. Critical Social Policy.
4 SPF Économie - Direction générale Statistique et information économique
Les indicateurs de pauvreté soulèvent toujours de nombreuses questions, qu'ils s'expriment de manière relative ou de manière absolue... Dans ce dédale, l'approche par la définition d'un panier de biens et services minimum, ainsi que l'estimation du coût de son acquisition semble ouvrir des perspectives intéressantes..
Les sirènes du crédit facile
Le crédit à la consommation : outil fantastique à double tranchant
Ce matin, dans le métro, je suis interpellée par ce gros crapaud qui me sourit depuis son panneau publicitaire et m’invite en ces termes : « Augmentez votre pouvoir d’achat, allégez votre charge mensuelle ! » Ensuite, alors que je fais mes courses, je découvre avec surprise qu’avec la carte Untel émise par mon supermarché de prédilection, je peux « payer mon caddy en 3 fois sans frais ». Un crédit en ces temps financièrement difficiles, ce serait donc ça la solution ?
S'il est évident que le crédit à la consommation, qui offre à chacun la possibilité d’étaler ses dépenses au gré de ses préférences et des événements inopinés de la vie, peut s’avérer essentiel dans le monde contemporain et constitue un rouage essentiel de notre économie, il convient néanmoins de ne pas négliger que celui-ci peut également, lorsqu’il n’est pas accordé de manière adaptée, faire plonger l’emprunteur dans une spirale de surendettement.
La crise du crédit qu'a initiée l’économie américaine démontre à suffisance que l’octroi irresponsable de crédits a des effets désastreux non seulement pour l’individu en tant que consommateur, mais également pour l’économie en général.
Or, force est de constater que la crise du crédit actuelle coïncide avec une hausse des prix des produits de consommation de base – comme les produits alimentaires et l’énergie – qui pèse sur le pouvoir d’achat des consommateurs.
Le recours au crédit en ces temps difficiles est-il une bonne ou une mauvaise chose ? Tout dépend bien entendu de la situation particulière du consommateur, des termes du produit souscrit, et de l’utilisation à laquelle le crédit est destiné.
Les développements actuels du marché du crédit et les lacunes qui subsistent en matière de protection du consommateur à l’égard de certains produits laissent néanmoins craindre un risque accru de voir le consommateur confronté à des crédits inadaptés à ses besoins, voire dangereux.
Le nombre de crédits à la consommation en Belgique augmente
Le consommateur a de plus en plus facilement accès au crédit en Belgique.
Ainsi, selon les dernières données relatives aux enregistrements de la Centrale des crédits aux particuliers collectés par la Banque Nationale de Belgique, fin juin 20081, 4.761 millions de Belges étaient enregistrés auprès de la Centrale des crédits, dont 3.643 millions pour au moins un crédit à la consommation.
Quelque 56 % de la population majeure ont au moins un crédit à rembourser, ce qui représente une augmentation de près de 10 % en quatre ans. Le nombre de contrats — environ 7.743 millions – est encore plus élevé. En outre, l’augmentation du nombre de contrats – de 15 % – est plus forte que celle du nombre de personnes ayant un crédit à rembourser. En 2007, pour chaque nouveau consommateur contractant un crédit venaient s’ajouter trois contrats de crédit. Fin juin 2008, près de 10 % des particuliers ayant emprunté avaient cinq contrats ou plus à rembourser.
Force est donc de constater que, d’une part, de plus en plus de consommateurs contractent un crédit à la consommation et que, d’autre part, les consommateurs contractent davantage de crédits.
L’ouverture de crédit : la formule la plus utilisée
Par ailleurs, on constate que ce sont les ouvertures de crédit qui occupent en nombre la plus grande partie de ce marché (crédits à la consommation et crédits hypothécaires).
L'ouverture de crédit, également appelée « credit revolving », « crédit renouvelable », « crédit permanent » ou « réserve d’argent », est une forme de crédit à la consommation qui se présente sous forme d’une ligne de crédit, c'est-à-dire un droit de tirage grâce auquel le consommateur peut librement emprunter, sans toutefois pouvoir dépasser le plafond déterminé par le prêteur. Le moment et le montant du remboursement restent à l’appréciation du consommateur une fois la ligne de crédit entamée – un remboursement mensuel minimum étant généralement imposé par le prêteur. La réserve financière proposée lors d’une ouverture de crédit est reconstituée au fur et à mesure des remboursements, ce qui permet au titulaire de réutiliser immédiatement les sommes remboursées, sans qu’un nouveau contrat de crédit soit conclu.
En quatre ans, le nombre de contrats d’ouverture de crédit a augmenté d’environ vingt pour cent, pour atteindre 3.589.993 unités, et cette croissance ne semble pas près de fléchir. Fin juin 2008, ces contrats représentaient un montant total de 10.685 milliards d’euros, soit presque un tiers du marché du crédit.
L’ouverture de crédit — une formule qui n’est pas sans risques
Le pourcentage de contrats d’ouverture de crédit défaillants est bien plus élevé que celui des autres types de crédit à la consommation.
L’analyse des nouveaux contrats permet de constater qu’il y a un problème insidieux au niveau des ouvertures de crédit. On observe en effet que 34,2 % des nouveaux contrats sont des ouvertures de crédit, mais que les ouvertures de crédit représentent 41,3 % des nouveaux arriérés de paiement. La ligne de crédit moyenne est de plus en plus élevée et a augmenté en 2007 de plus de 7 %, pour s’établir à 6.141 euros par contrat. Le montant moyen de l’arriéré a diminué légèrement l’an dernier et s’élève à 1.589 euros, mais simultanément, 5.758 contrats avec arriéré de paiement sont venus s’ajouter.
Ce recours accru aux ouvertures de crédits, observé depuis quelques années, soulève différentes critiques, liées directement à la nature du produit :
- son coût est généralement élevé, le taux annuel effectif global (TAEG)2 étant presque toujours fixé au maximum légal3, les TAEG maxima s'élevant actuellement à 17 % pour les ouvertures de crédit de plus de 1.250 euros et à 19 % pour ceux de moins de 1.250 euros ;
- contrairement aux prêts amortissables classiques, le taux à la souscription n’est pas garanti et rien ne garantit donc que le taux annoncé sera celui appliqué le jour de l’utilisation effective de l’argent, surtout si celle-ci a lieu quelques mois plus tard ;
- l’absence de plan fixe de remboursement et la possibilité offerte de puiser à tout moment dans la réserve d'argent sans qu'un nouveau contrat soit conclu nécessite que le consommateur dispose d’une importante capacité à maîtriser fermement son budget4 ;
- son obtention est souvent trop aisée et rapide et la réserve octroyée, qui dépasse souvent le besoin, constitue une tentation qui incite parfois le consommateur à éviter de réfléchir à la structure et à l'équilibre de son budget ou à l'utilité d'une dépense.
Par ailleurs, on constate que les contrats proprement dits sont de plus en plus souvent émis par des établissements qui ne sont pas des organismes de crédit. On observe également de manière générale que la proportion de contrats défaillants est plus importante chez ces derniers. Ainsi, les cartes de crédit des magasins sont une considérable source d'endettement des ménages. Ceux-ci ont accumulé 1,37 milliard d'euros de dette par leur biais, selon des chiffres du SPF Économie, soit une hausse de 13 % par rapport à 2006 et de 50 % par rapport à 2000.
Or, en 2006, les cartes de crédit qui n'émanent pas des banques représentaient déjà 65,9 % des quelque 4 millions de crédits ouverts via des cartes en Belgique5. Il s'agissait, pour une grande part, de cartes proposées par des supermarchés, des chaînes de distribution et des sociétés de vente par correspondance.
Cette pratique croissante soulève une seconde salve de critiques :
- Le vendeur travaillant dans un magasin, ou une grande surface n’étant pas un professionnel du crédit, il est très souvent incapable d’informer ou de conseiller correctement le consommateur quant au choix du crédit le plus adapté.
- L’objectif du vendeur étant de maximiser la consommation des produits du magasin pour lequel il travaille, n’existe-t-il pas un conflit d’intérêts alors que le prêteur est normalement obligé d’adapter le type de crédit proposé aux besoins du consommateur ?
- On constate actuellement que les vendeurs-intermédiaires de crédit proposent de plus en plus des crédits qui ne sont absolument pas liés à un achat dans leur enseigne, voire aux fins d’un rachat de crédit — jouant là un rôle de banquier qui n’est pas le leur !
L’omniprésence de ces formules de crédit disponibles dans les magasins, les grandes surfaces, via les achats par correspondance, etc., et la facilité avec laquelle elles sont octroyées rend la tentation d’autant plus forte et constitue un argument de vente de poids pour les enseignes, qui en usent et en abusent largement !
Crise du pouvoir d’achat et risque de crédit inadapté
Si, pour les ménages à revenus modestes qui ne disposent pas de liquidités suffisantes, le crédit à la consommation, et plus particulièrement l’ouverture de crédit, permet d’anticiper un revenu qui n’a pas encore été perçu et de donner ainsi un accès immédiat à des biens ou des services, il est néanmoins communément admis que le choix de l’ouverture de crédit n’est adapté que pour un besoin temporaire de liquidités.
L’ouverture de crédit n’est un crédit adapté aux besoins du consommateur que si le montant du crédit consenti est adapté aux revenus du consommateur, qui doit être en mesure de le rembourser dans un délai très court. Par ailleurs, s’il s’agit de financer des achats ou des services, l’ouverture de crédit ne sera adaptée que si elle a la même durée de vie que ces biens et ces services.
Dans le contexte de crise financière et économique que l'on connaît actuellement, il est légitime de craindre une multiplication d'ouvertures de crédit inadaptées pouvant entraîner des conséquences désastreuses.
En effet, la crise financière pousse les établissements bancaires dits « classiques » à faire preuve de plus de vigilance dans l’octroi de crédit, risquant de jeter bon nombre de personnes dans les bras de prêteurs moins scrupuleux.
Parallèlement à cela, la crise du pouvoir d’achat due à l’augmentation du coût de la vie se fait sentir pour de nombreux ménages qui éprouvent davantage de difficultés à joindre les deux bouts.
Ceux-ci étant, dans le même temps, de plus en plus confrontés à des offres de crédits « faciles » – mais très chers – par le biais de publicités de plus en plus agressives, la tentation est forte d'avoir recours à l'ouverture de crédit non plus pour l’acquisition ponctuelle d’un bien ou d’un service précis, mais bien de manière structurelle et récurrente pour satisfaire des besoins quotidiens (alimentation, électricité, soins de santé) ou pour rembourser un prêt à tempérament, regrouper des dettes, acheter une voiture, financer un abonnement dans une salle de fitness, etc. Dans ces cas, l'ouverture de crédit permet de camoufler pour un temps un déséquilibre structurel dans le budget du ménage, en permettant de faire face à des dépenses plus élevées que les revenus.
Dès lors qu’une ouverture de crédit est octroyée pour une durée indéterminée, le risque d’installer le consommateur dans un endettement permanent est alors non négligeable.
Conclusion
En cette période de crise du pouvoir d’achat que nous connaissons actuellement en Belgique, la nécessité de sensibiliser les consommateurs aux risques du crédit inadapté et de réguler l’usage de telles pratiques, clamée depuis plusieurs années par les acteurs de terrain dans le domaine du surendettement, est indéniablement accrue.
Gageons que la « mise sous les projecteurs » de cette problématique, qui s’inscrit sans conteste dans le contexte plus large de la crise financière, incitera nos mandataires publics à proposer des mesures pour faire taire les sirènes du crédit facile, dont il conviendra de suivre de près les développements dans les mois qui viennent.
Lise Disneur - Octobre 2008
1 Rapport Statistiques de la Centrale des crédits aux particuliers - 2007 actualisé au 30 juin 2008, Banque Nationale de Belgique.
2 Qui comprend le taux d'intérêt débiteur et les frais annexes au contrat (frais de dossier, assurance solde restant dû).
3 L’arrêté royal du 19 octobre 2006 (Moniteur belge 31.10.2006.) entré en vigueur le 1er février 2007, a instauré une nouvelle grille des taux annuels effectifs globaux maxima et a mis en place un système d'adaptation automatique des taux maxima. L’adaptation est fonction de l’évolution de certains indices de référence du marché financier. Cette évolution est examinée tous les 6 mois, à la fin du mois de mars et de septembre, et donne lieu à une adaptation de taux lorsque l’indice varie d’au moins 0,75 %. Le ou les taux adaptés sont publiés sans délai au Moniteur belge et entrent en vigueur le 1er jour du 2ème mois qui suit la publication. Une première adaptation de + 1 % de l’ensemble des TAEG maxima est entrée en vigueur le 1er juin 2007. Une seconde adaptation de + 1 % est intervenue le 1er décembre 2007 pour les TAEG maxima des ouvertures de crédit. Celle-ci est toujours d'application. Les TAEG maxima s'élèvent actuellement à 17 % pour les ouvertures de crédit de plus de 1.250 euros et 19 % pour ceux de moins de 1.250 euros.
4 Ainsi, celui qui s’en tient à rembourser des montants peu élevés remboursera essentiellement des intérêts, laissant la dette de capital quasiment intacte.
5 Working Paper document nº 78 - janvier 2006 – BNB- Crédits aux particuliers - analyse des données de la Centrale des crédits aux particuliers, pages 14 à 20.
En cette période de crise du pouvoir d'achat, il est fort tentant de recourir au crédit pour joindre les deux bouts... avec, à la clé, le risque de souscrire un crédit inadapté ?
Crédits rapides et grands magasins : un problème, quel problème ?
Introduction
On vit une époque formidable, on ne le dit pas assez. Ces quelques lignes provocatrices, pourquoi nous choquent-elles ? Craquer pour une dépense coup de cœur ? On en rêve tous, non ? Ou, en tout cas, ne rêvons-nous tous pas de pouvoir nous les offrir, ces coups de cœur ? Alors, qui sera le premier à jeter la pierre ? Le consommateur asphyxié par son crédit, mais assis dans un superbe canapé ? Le vendeur de canapés, qui grâce à ce salon vendu, peut s'asseoir dans un canapé encore plus beau ? Le pouvoir politique, qui doit certes financer des services de médiation de dettes lorsque la situation est vraiment grave, mais qui, d’une manière générale, permet le maintien d'une consommation élevée afin de soutenir l'économie ? Ou le médiateur de dettes qui souhaite arriver à une solution viable de remboursement, en méditant, assis sur sa chaise, aux plaisirs différents qu’il pourrait tirer d’un bon canapé acheté cash plutôt qu'à crédit ?
Et puis, n'est-ce pas notre très cher Oscar Wilde, peu avare de bons mots, qui, dans Le Portrait de Dorian Gray, nous assène cette vérité un tant soit peu subversive : « Les folies sont les seules choses qu'on ne regrette jamais » ?
Dès lors, vivons sans regret... et endettés?
Sans une analyse du problème, pas de solution possible
Ce n'est sans doute pas un hasard si les lieux de grande distribution multiplient les possibilités et facilités de paiement entre leurs murs. Car si les stimuli d'achat sont diffusés en permanence sous des formes multiples et par des canaux variés – spots publicitaires à la radio ou à la télévision, publicité sur Internet, dans la presse, dans les rues et lieux publics au moyen d’affiches, de panneaux rotatifs, d’enseignes, d’enseignes lumineuses et digitales, de sculptures et d’objets urbains, d’écrans électroniques, messages publicitaires au dos de tickets de caisse, au cinéma avant le film, mais aussi pendant le film, grâce au placement d'objets, publicité, encore, dans les messages d'attente téléphonique, dans l'enveloppe des chèques repas, pour ne citer que quelques exemples – rien ne vaut le contact réel avec la marchandise. La vue, le toucher, l'essai possible sont autant d'expériences qui peuvent nous convaincre des satisfactions que nous pourrons tirer de nos nouvelles acquisitions. Et comme nous sommes amenés à pousser régulièrement les portes de ces magasins, puisqu'on s'y approvisionne par ailleurs d'une multitude de biens de consommation courante, la résistance à s'offrir une petite folie s'émoussera de manière régulière.
Dans ces conditions, il devient évident que le lieu d'octroi du crédit n'est pas neutre. Dans bien des cas, le crédit est précisément mis à disposition pour permettre des achats sur place, ou, si ce n'est pas le cas, il est proposé au même titre que les autres biens et services : on passe en grande surface pour acheter un crédit.
En quoi est-ce un problème ?
Que l'on soit pour ou contre ce modèle économique, que l'on apprécie ou non ces temples de la consommation, la question que nous souhaitons soulever ici est la suivante : ces offres de crédit sont-elles particulièrement problématiques quand elles sont proposées en grandes surfaces ?
Dans une précédente analyse1, il est effectivement montré que les ouvertures de crédit – soit le crédit phare proposé dans ces lieux – continuent de connaître une croissance du nombre de défauts de paiement (cf. chiffres de la Centrale des crédits aux particuliers). On y rappelle également les divers risques spécifiques qui y sont liés.
La Centrale des crédits aux particuliers (CCP) nous informe aussi que le taux de défauts des ouvertures de crédit est plus élevé lorsque ces dernières sont octroyées par les « autres institutions »2 que par les « établissements de crédit »3. Sur la base des données 2007, le pourcentage de contrats défaillants est de 6,8 % pour les autres institutions (155.044 défauts / 2.284.314 contrats) contre 5,2 % pour les établissements de crédit (59.979 défauts / 1.149.623 contrats). Malheureusement, la CCP ne dispose d'aucune information relative au canal d'octroi du crédit (sur le point de vente, par courrier, par internet, à l'agence, à domicile, etc.) et ne peut, dès lors, pas identifier les éventuels canaux qui seraient plus risqués que d'autres.
Qu'est-ce qui différencie une ouverture de crédit offerte en « grande surface » d'une ouverture de crédit proposée en banque ?
- a) On l'a dit, les motivations de souscription peuvent être, plus qu'en banque, liées à une impulsion lorsque le crédit est souscrit en grande surface... le consommateur est donc, sur ce plan, en partie responsable de ce problème... et il peut lui arriver de regretter son acte. Toutefois, face à ce problème, il existe d'ores et déjà un droit de rétractation pour le consommateur, qui devrait d'ailleurs être renforcé dans le cadre de la Directive européenne 2008/48/CE, puisqu'il y est prévu, dans le considérant 34, que la rétractation soit possible pendant 14 jours, sans pénalité ni justification.
- b) Les devoirs d'information et de conseil y sont la plupart du temps réduits à néant. Si la législation sur ce point s'intéresse à la qualité de l'information et des conseils qui peuvent être donnés au consommateur dans la phase pré-contractuelle, elle ne s'applique que peu ou pas aux crédits proposés en grandes surfaces. En effet, cette obligation, d'une part, ne porte pas directement sur les intermédiaires de crédit, et, d'autre part, l'offre de crédit y est en général d'un seul type. Dans ces conditions, le conseil n'a plus vraiment lieu d'être, puisque le prêteur ne peut proposer de conseil qu'entre les produits qu'il met à la disposition de la clientèle.
- c) L'analyse de la solvabilité : lorsque l'offre de crédit bancaire est faite par le banquier du consommateur, elle n'est pas faite à un inconnu, mais au contraire à un client dont sont connus la surface financière, les mouvements en comptes, les habitudes de gestion. La rapidité d'octroi peut donc ne pas impacter la qualité de l'analyse.
En revanche, en grande surface, les clients qui sollicitent un crédit sont de parfaits inconnus, et l'on sait que les modalités d'octroi y sont aisées et que l'enquête de solvabilité est réduite à sa plus simple expression. La plupart du temps, en effet, seul le fichier de la CCP est consulté. Mais c'est là une obligation légale aisément contrôlable, puisque la référence de la consultation doit être indiquée sur le contrat de crédit, qui est dès lors très efficace et bien appliquée. Elle est par ailleurs facile à réaliser, puisque la CCP est accessible en ligne et que l'opération ne requiert pas plus de quelques minutes.
Exploration de solutions envisageables
Passons en revue les solutions qui pourraient être envisagées et tâchons d'identifier les plus pertinentes :
Achat « coup de coeur », où, contrairement au bon mot d'Oscar, le malendettement qui découle d’un achat impulsif fait regretter amèrement cette petite (ou grande) « folie ». Si l'on souhaite protéger le consommateur contre ses propres impulsions, ou en tout cas, contre celles qu'il peut être amené à regretter dans le futur, l'approche actuelle de délai de rétractation est une première piste intéressante. Toutefois, ce délai semble relativement peu souvent utilisé, car il ne peut s'appliquer que lorsque le bien financé peut être rendu à l'état neuf, ce qui n'est plus le cas la plupart du temps. En outre, il paraît peu approprié d'interdire tout bonnement l'accès aux crédits « rapides » en grande surface puisque, dans une majorité de cas, ces derniers sont bel et bien honorés.
Du reste, la mise en oeuvre concrète d'une telle mesure n'irait pas sans soulever de très nombreuses questions. À partir de quelle distance considère-t-on que l'offre n'est plus réalisée sur le lieu d'achat ? Que penser, par exemple, d’une offre faite sur le parking du lieu d’achat ? Quel nombre minimum de mètres devrait être parcouru ? Que faire des institutions de crédit présentes dans le périmètre ainsi défini ? Comment les professionnels contreront-ils cette mesure ? Que risquent-ils de mettre en place ? Ne sera-ce pas pire ? Sans compter que cela ne résoudra pas de manière satisfaisante les deux autres problèmes soulevés ci-dessous...
Les devoirs d'information ...
Pour que cette obligation puisse être correctement remplie, il faut idéalement :
- du personnel qui connaisse le/les produit(s) financier(s) proposé(s) – afin d'être à même de présenter des droits et obligations qui en découlent, notamment les modalités de remboursement, les coûts et les mesures qui seront mises en oeuvre en cas de défaut de paiement. À ce stade, il est utile de penser au moyen de prouver qu'une telle information a bien été donnée. Pour ce faire, un dépliant « simplifié », présentant l'essentiel de ces informations en termes clairs pourrait être élaboré... mais ce n'est là qu'une piste de réflexion ;
- du personnel qui puisse déterminer les besoins de financement du client et le type de crédit qui lui correspond et ne finaliser une offre que lorsque cette correspondance est avérée. Cet élément nous semble bien difficile à imposer dans un cadre légal puisque, d'une part, dans la majorité des cas, seul un type de crédit est proposé, et que, d'autre part, cela demanderait à ces professionnels de travailler « contre leur intérêt », ce qui paraît peu réaliste. En effet, la décision de crédit se prend dans une logique de maximisation des profits, et si le risque de défaut de paiement est en dessous du seuil d'acceptation, on comprendrait mal qu'un prêteur se rétracte. Enfin, la mise en place d’une procédure de contrôle vérifiant qu’une telle analyse a été faite semble à ce jour difficile à imaginer.
... et de conseil
C'est en général sous ce vocable que l'on trouve l'analyse de la solvabilité.
À ce jour, les obligations se concentrent autour de trois éléments d'information :
-
la vérification de l'identité du consommateur (indispensable pour l'étape 2) ;
-
la consultation du fichier CCP ;
-
le but du crédit (le plus souvent énoncé de manière floue).
Pour le reste, c'est aux professionnels qu’il revient de recueillir les informations qu'ils considèrent comme nécessaires pour apprécier la situation financière du consommateur.
Il nous semble nécessaire d'aller plus loin sur ce point. Pour l'ensemble des parties prenantes (prêteurs et intermédiaires, consommateurs et pouvoirs publics), une analyse appropriée de la solvabilité reste le meilleur rempart contre la mise en place de crédit inadéquat.
Nous considérons que les obligations légales sur ce point ne vont pas assez loin. La plate-forme « Journée sans crédit » à laquelle participe le Réseau Financement Alternatif a présenté, en 2008, dans sa proposition 4.14, une piste sérieuse de solution.
L'idée consiste en la réalisation d'un questionnaire standard permettant d'évaluer la situation financière du consommateur. Le prêteur ou son intermédiaire devraient, pour ce faire, questionner le consommateur sur ses ressources (revenus, allocations...), mais aussi sur sa situation familiale (composition du ménage), ses charges courantes et ses dettes. Ceci devrait permettre de vérifier que le consommateur dispose des ressources suffisantes pour faire face, à la fois, à ses dépenses incompressibles et au remboursement du crédit envisagé. Pour ce faire, le consommateur devrait être invité à fournir les justificatifs des principaux postes et s'engager, comme c'est déjà le cas, sur la véracité des diverses informations qu'il communique.
Étude de solvabilité objectivée, la panacée ?
Dans notre quête de solution au problème de surendettement, dans notre volonté d'éviter que des pratiques préventives réduisent par ailleurs l'accès du crédit à des ménages en situation financière précaire, il nous semble inévitable de faire reposer en grande partie la décision d'octroi sur la solvabilité réelle du consommateur, et, à ce stade, une objectivation de cette dernière paraît une étape indispensable à mettre en place.
Pourquoi privilégier cette approche ?
- Elle fait reposer la décision d'octroi sur des éléments objectifs.
- Elle permet d'établir clairement les responsabilités des uns et des autres : le consommateur se doit d'apporter les pièces justificatives et de répondre sincèrement aux questions qui lui seront posées. Le dossier constitué en apportera la preuve. On peut même réfléchir à la manière dont on pourrait traiter différemment le sort des consommateurs de bonne ou de mauvaise foi, au même titre que des prêteurs de bonne ou de mauvaise foi, lorsque des défauts de paiement aboutissent à des litiges ou à des procédures de médiation de dettes.
- Le consommateur responsableet solvable pourra toujours obtenir rapidement un crédit, puisqu'il se munira des pièces ad hoc pour remplir son dossier. Pour les autres, il est probable que cela prenne plus de temps (oubli de document...). Ceci présente l'avantage pour ces derniers de ne plus pouvoir facilement tomber dans l'achat impulsif qui doit être financé par un crédit et d'avoir à mettre le nez dans le budget et dans la vérification dans les grandes lignes de la capacité de remboursement.
- Pour le prêteur ou son intermédiaire, il s'agit de vérifier les pièces justificatives, de les joindre au dossier et de compléter la grille budgétaire afin de vérifier le disponible pour le remboursement du crédit. Si, on en convient, cela prend plus de temps que ce qui se pratique à ce jour, nous sommes convaincus des capacités des professionnels à rationaliser ce process pour en réduire autant que possible le coût.
- Cette approche s'applique à l'ensemble de la profession et ne créera donc pas de distorsion de concurrence.
- Elle n'entre pas en contradiction avec le projet de la Directive 2008/48/CE.
- Elle renforce et objective la notion de « crédit responsable » et permet de réaliser un bond en avant en matière de responsabilité sociale des entreprises financières. L'usage approprié d'un questionnaire standard pouvant devenir une norme minimale du crédit responsable.
En guise de conclusion
Quel prêteur qui se considère comme responsable peut considérer cette option comme inappropriée ou inadéquate ? Après ce que les crédits subprime ont déclenché comme tempête, peut-on encore envisager de faire du crédit sur base de credit-scoring simpliste, sans une approche individuelle précise de la capacité de remboursement ?
Chers prêteurs, la balle est dans votre camp... et celui qui parmi vous sera performant dans une approche responsable développera un avantage compétitif, n'est-il pas ?
Olivier Jérusalmy
1 Lise Disneur, Réseau Financement Alternatif, « Les Sirènes du crédit facile », octobre 2008
2 Institutions, autres que les établissements de crédit, qui sont agréées par le SPF Économie pour l'octroi de crédits à la consommation.
3 Institutions soumises à la loi du 22 mars 1993 relative au statut et au contrôle des établissements de crédit et qui sont agréées par la Commission bancaire, financière et des assurances.
4 http://www.journeesanscredit.be/var/www/eqpop/www.journeesanscredit.be/I...
La proximité de biens de consommation attrayants, les techniques de marketing agressives, la volonté de déclencher autant que possible l'achat « coup de coeur » sont d'autant plus efficaces que le consommateur, même quand il ne dispose pas d'argent disponible, peut tout de même se l'offrir grâce à une ouverture de crédit disponible illico presto...
Proposition de loi visant à interdire le mécanisme de la compensation dans le secteur bancaire
La proposition vise à proteger les montants insaisissables d'une saisie opérée par l'organisme bancaire auprès duquel sont versés lesdits montants en vue de rembourser un découvert non autorisé.
Le règlement général des opérations de banque et les cluses abusives: vers la consécration du concept du
Commentaire de l'arrêt rendu le 26 janvier 2007 par la Cour d'appel de Liège. La SA Dexia Banque est assignée par l'organisation de défence des intérêts des consommateurs Test-Achats en vue de la cessation de l'utilisation d'un grand nombre de clauses figurant dans un ou plusieurs de ses règlements applicables dans les relations avec la clientèle. La cour y ordonne la cessation de la clause d'unicité de compte qui visait "les divers comptes en espèces, de quelque nature que ce soit- et quelles que soient les conditions qui leur sont applicables" et déclare abusive la clause de compensation en vertu de laquelle la banque se réservait le droit de "détermine(r) à son gré sur quelles créances respectives la compensation portera".
La realidad del crédito en España
Con este texto ADICAE se planteó la necesidad de analizar, desde la prespectiva de la protección de los derechos de los consumidores, laz causas y consecuencias para las economías domésticas del alto nivel de endeudamiento en un contexto de elevación paulatina de tipos de interés...
El mercado hipotecario español y los consumidores El crédito al consumo y las nuevas formas de crédito rápido Reunificación de créditos
La consommation et le crédit aux particuliers
Consommation des particuliers analyse des données "enquêtes sur le budget des menages 2004" Marché du crédit et endettement des ménages L'endettement et le surendettement des ménages Indicateurs d'endettement
Cahier FINANcité n°16 : Références budgétaires minimales pour une vie digne 2008-2009
Cet ouvrage est composé de deux grandes sections : La première détaille la manière dont les références budgétaires ont été construites et la méthode employée pour la constitution des paniers. La seconde présente de manière synthétique les grilles budgétaires de cinq familles types, à savoir : un isolé, une femme ayant un enfant de 4 ans, une femme ayant deux enfants de 4 et 8 ans, une femme ayant deux enfants de 8 et 15 ans et un couple ayant deux enfants de 4 et 8 ans. Dans la mesure du possible, nous avons fait correspondre les paniers de la première section aux principaux postes budgétaires des grilles de la seconde. Quand toutefois cela n'a pas été possible, pour la facilité du lecteur, nous avons repris dans la grille budgétaire la référence du panier concerné. Table des matières: Introduction Que sont les références budgétaires ? À quoi peuvent servir ces références budgétaires ? Références budgétaires : une première étape... Méthodologies possibles et cadre théorique choisi Approches diverses pour résultats différenciés L'approche utilisée en Belgique Les principaux groupes de dépenses Panier « alimentation » Critères et références La pyramide alimentaire active Sain, varié et équilibré Prix et lieu d'achat Proche ou éloigné des habitudes des gens ? Tableau du budget « alimentation » mensuel en des 5 familles Panier « vêtements » Critères et références 14 Vêtements adaptés aux circonstances Qualité des vêtements, nombre et longévité Choix du magasin et prix payé Entretien et rangement des vêtements Proche ou éloigné des habitudes des gens ? Tableau du budget « vêtement » mensuel en des 5 familles Panier « santé et hygiène personnelle » Critères et références Soins corporels Les soins de santé Frais liés à la sécurité sociale Proche ou éloigné des habitudes des gens ? Tableau du budget « santé et hygiène corporelle » mensuel en des 5 familles Panier « logement et sécurité » Critères et références Proche ou éloigné des habitudes des gens ? Tableau du budget « logement et sécurité » mensuel en des 5 familles Panier « développement sécurisé de l'enfant (ou des enfants) » Critères et références Proche ou éloigné des habitudes des gens ? Tableau du budget du « développement sécurisé de(s) l'enfant(s) » mensuel en des 5 familles Panier « repos et divertissement » Critères et références Une nuit de sommeil reposant Loisirs et divertissement Proche ou éloigné des habitudes des gens ? Tableau du budget du « repos et du divertissement » mensuel en des 5 familles Panier « entretien des relations » Critères et références Transpositions des « rôles » en panier concret Proche ou éloigné des habitudes des gens ? Tableau du budget « entretien des relations » mensuel en des 5 familles Panier « mobilité » Critères et références Composition du panier Proche ou éloigné des habitudes des gens ? Tableau du budget « mobilité » mensuel en des 5 familles Les grilles budgétaires synthétiques de cinq ménages types Grille budgétaire d'un isolé Grille budgétaire d'une femme ayant un enfant de 4 ans Grille budgétaire d'une femme ayant deux enfants de 4 et 8 ans Grille budgétaire d'une femme ayant deux enfants de 8 et 15 ans Grille budgétaire d'un couple ayant deux enfants de 4 et 8 ans Bibliographie
Quid de la Belgique ?
« Si les institutions n'agissent pas, les marchés financiers le feront pour elles ».
Herman Van Rompuy, lors d'une conférence organisée par l'ONG Friends of Europe, 14 octobre 2010
En bref :
- Une nouvelle architecture de contrôle du système financier a été dessinée en Belgique.
- Mais la protection des consommateurs contre les produits financiers doit encore être améliorée.
En décembre 2008, quatre députés PS déposent une proposition de loi relative à la création d'une agence de protection des consommateurs de produits financiers communs. L'objectif est d'éviter qu'à l'avenir le commun des mortels soit plongé dans une nouvelle crise en souscrivant des produits financiers dont il ne connaît pas les risques. De son côté, le gouvernement charge le Baron Lamfalussy de développer un projet pour un nouveau contrôle
financier en Belgique. Près de trois ans plus tard, l'Agence de protection des consommateurs de produits financiers n'a toujours pas vu le jour. Quant à la réforme du contrôle du secteur financier, elle s'est concrétisée dans la Loi du 2 juillet 2010, instituant notamment un nouveau superviseur, provisoire, dans le monde de la finance belgo-belge : le Comité des risques et établissements financiers systémiques.
Protection financière
Vouloir se prémunir des dangers d'un produit financier sans en connaître les risques revient à vouloir conduire une voiture les yeux bandés, c'est le crash assuré ! À l'heure actuelle, la protection des consommateurs de produits financiers est entre les mains de la Commission bancaire, financière et des assurances (CBFA). Une responsabilité qui constitue un conflit d'intérêts aux yeux des auteurs de la proposition de loi de 2008 qui voient mal comment une institution aussi proche du secteur bancaire pourrait assurer une protection objective des consommateurs.
Quant aux représentants des organisations de consommateurs, leur message est clair : renforcer l'information sur les produits financiers, responsabiliser les banques et proscrire du marché belge les produits opaques sont les
étapes clés pour assurer une bonne protection du public.
Protection extra-financière
À ce stade, le conducteur a un oeil libéré, l'autre reste voilé. Le consommateur doit aussi avoir accès à la finance éthique et solidaire et comprendre la finalité de cette appellation. La proposition de loi de 2008 comprend la mise en oeuvre d'un système de compensations financières pour veiller à ce que les entreprises qui pratiquent la responsabilité sociale ne soient pas désavantagées par rapport à celles qui s'en moquent. Elle prévoit aussi la mise en oeuvre d'une norme minimale à respecter pour qu'un produit puisse être qualifié d'« éthique ». En outre serait interdit tout financement, depuis la Belgique, d’entreprises et d’États qui se rendent coupables de violations des droits reconnus dans les conventions internationales ratifiées par la Belgique en matière notamment de droit humanitaire, de droits de l'homme, de droits sociaux et de dégradation intolérable de l'environnement.
La finance belge sous contrôle ?
Le rapport du Baron Lamfalussy publié en juin 2009 propose de renforcer la coopération entre la Banque Nationale de Belgique et la CBFA. Cette volonté sera traduite dans la Loi du 2 juillet 2010, organisée en deux phases. Dans un premier temps, le Comité des risques et établissements financiers systémiques (CREFS), opérationnel depuis octobre 2010 (il remplace ainsi le Comité de stabilité financière mis en place en 2002), est à même de sanctionner un organisme financier quand il estime que celui-ci est susceptible d'avoir un impact négatif sur la stabilité du système financier. Il s'agit des banques, assureurs, groupes financiers et holdings d'assurance susceptibles d'entraîner d'autres établissements dans leur chute en cas de difficultés. Le CREFS se voit également confier une nouvelle compétence, consistant à approuver les décisions stratégiques de ces établissements. Le CREFS doit donc veiller à la stabilité du système financier dans son ensemble pour éviter de nouvelles crises financières massives. Organe transitoire, le CRE FS devrait disparaître à partir du 1er avril 2011. Dans un deuxième temps donc, le contrôle prudentiel sera entièrement confié à la Banque nationale de Belgique tandis que la CBFA assurera la surveillance des marchés, le contrôle des intermédiaires et des produits, ainsi que le contrôle du respect des règles de conduite dans le chef des établissements de crédit, des entreprises d'investissement, des entreprises d'assurance, des fonds de pension. L'architecture du contrôle prudentiel évolue donc en Belgique. Dommage que la protection des consommateurs n'ait, à ce jour, pas suscité autant d'intérêt.
Si la Belgique a connu de belles avancées sur le plan prudentiel, elle en est toujours au point mort en ce qui concerne la protection des consommateurs.
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2007/V septembre-octobre